A la poursuite du Diable, Tasmanie, 21.03.2018
- Clem'trotter
- 27 nov. 2018
- 11 min de lecture
Dernière mise à jour : 2 déc. 2018
Petits, nous le regardions à la télé, grogner et avancer sous la forme d’une tornade, en dévastant tout sur son passage. Il portait le nom de Taz, un personnage des Looney Tunes, représentant un diable de Tasmanie. On a grandi, il est, maintenant, temps d’aller vérifier si Taz vit bien en Tasmanie, et s’il sait toujours faire la tornade… Voici le résumé de nos aventures réelles à la recherche d’un personnage irréel ?

Notre voiture de location a déjà des allures de dessins animés avec sa couleur jaune poussin ! Mais, bonne nouvelle, elle ne fond pas sous la pluie battante qui nous accueille en terre Tasmane… Malheureusement, elle ne change pas, non plus, de couleur une fois mouillée.

Nous découvrons Hobart, capitale administrative de la Tasmanie, cette petite île au sud de la grande Australienne à qui elle appartient. D’une superficie de 67 000 km2 (soit 1/8éme de la France) pour 512 000 hab., la Tasmanie est séparée de l’Australie par les 200 km du détroit de Bass. L’île était habitée par les Aborigènes, depuis environ 35 000 ans quand, le premier Européen, aperçoit ces terres. C’est Abel Tasman, un navigateur hollandais, qui découvre cette terre en 1642. Deux siècles plus tard, l’île est rebaptisée en son nom. En 1803, commence la colonisation britannique. A cette date, la population indigène était estimée entre 5 000 et 10 000 personnes. 30 ans plus tard, on compte seulement 300 individus (exterminés par les colons britanniques, l’alcool et les maladies introduites). Aujourd’hui, il est impossible de rencontrer un véritable (non-métissée) Aborigène de Tasmanie. La population et l’architecture d’Hobart nous présente donc un visage très English : pub, fish and chips, écoliers en costumes, maisons de type victoriennes… Sa situation portuaire en fait une ville plutôt agréable à vivre, coincée entre l’embouchure de la rivière Derwent et le Mt Wellington.

Moins English qu’un bus rouge, nous roulons dans notre voiture jaune, à la découverte de la péninsule de Tasman, quelques kilomètres à l’ouest d’Hobart.
Les routes sinueuses de la péninsule sont parsemées de quelques fermes un peu défraichies, nous avons la sensation que certains endroits sont laissés à l’abandon. Les jardins ne sont pas entretenus, les maisons en tôles vieillissent males, et le matériel agricole rouille au fond du champ.

La péninsule abrite le parc national de Tasman ainsi que plusieurs curiosités naturelles baignées par les eaux de la mer Tasman. Sur la route les animaux sont nombreux, oui, mais ils sont, tous, morts. Pourtant, les célèbres panneaux jaunes aux dessins symboliques de la faune locale sont visibles. Cependant, la nuit tous les chats sont gris. Alors, certains traversent et d’autres trépassent. Les possums sont les numéros 1 des accidentés de la route, devant les wallabies, ces petits kangourous qui ne sautent pas assez haut pour éviter le coup. A notre « grand regret », pas de diable bitumé, la tornade passe trop vite !

Nous pénétrons, ensuite, dans une immense forêt d’eucalyptus, un arbre gigantesque et majeur de cette île. A la fin de la gravel road, nous plantons notre tente au bord de la Fortescue Bay, un lieu magique. Il y a du bruit dans la végétation, curieux, nous trouvons, enfin, un animal vivant !!! Des wallabies se baladent dans le camping, bien heureux que les voitures y soient arrêtées, et que les campeurs y laissent quelques miettes.

Levés aux aurores, nous marchons à la vitesse du diable pour découvrir les caps qui font la renommée du parc. Le chemin alterne, entre pontons trop bien aménagés, et trace perdue dans la forêt humide. Quelques wallabies détalent devant nous, des oiseaux chantent au-dessus de nous et, en contre bas, des phoques se font bronzer. Pour parfaire le tableau, les vues depuis le cap Pillar et le cao Hauy sont époustouflantes ! 36 km et 12h plus tard, nous retrouvons notre tente, quelques peu fatigués et mouillés par une belle « shower » comme ils disent ci pour les averses.

Nous remontons la côte Est, qui dévoile quelques superbes plages de sable blanc. Après plusieurs heures de route, nous entrons sur une nouvelle péninsule, celle de Freycinet, abritant le parc éponyme. Coles Bay est le seul village du coin, hors saison le site est très tranquille, tout juste 800 habitants y vivent. Le minimum y est, une supérette/station essence, un camping et un restaurant, pas plus, pas moins. Peu importe, en Tasmanie, le plus intéressant n’est pas dedans, mais dehors. La pointe de terre est dominée par de petits sommets granitiques aux teintes rosées et entourée d’eaux cristallines léchant quelques superbes plages sauvages.

L'ascension ludique, mais non moins ardue, du Mt Amos nous offre un panorama exceptionnel sur LE lieu de la Tasmanie, Wineglass Bay. Une plage de sable blanc en arc de cercle, pour une photo carte postale. Nous foulons aussi l’immense langue de sable de Friendly beach. Ici, les rochers sont couverts de lichen orangés, ce qui donne un mélange de couleur ahurissant entre le turquoise de l’eau, le blanc du sable et le vert du bush. Pour parfaire le décor, quelques wallabies s’invitent au spectacle.

Les 3 jours suivants, nous les passons sur un kayak, loué au seul loueur du coin ! Sacs, nourriture et eau chargée, nous pagayons le long des côtes de la péninsule. Nous découvrons de nouvelles plages paradisiaques, campons sur l’une d’elle, pagayons, affrontons des « creux » de 50 cm, pagayons, je pagaye, nous pagayons… Deux fois, c’est l’euphorie sur l’embarcation !!!

Des dauphins nagent autour de nous. Des rencontres inattendues et mémorables ! Après 3 jours salés et émerveillés, nous rendons notre kayak, il n’avait certes pas la vitesse de notre voiture, mais partageait sa couleur, jaune poussin !

Nous traversons une première fois l’intérieur des terres pour rejoindre la seconde ville de l’île, Launceston. La route est assez rectiligne traversant des paysages vallonnés et séchés par un soleil omniprésent. La ville de Launceston n’est pas des plus fantastiques. De toute façon, nous y sommes pour une étape de ravitaillement et de planification.
Le coffre plein et la carte étudiée, nous partons en direction des montagnes, pour quelques jours de marche.

Première étape, le parc national de Jerusalem. Nous trouvons une zone de camping sauvage au bord d’un grand barrage. A notre coucher, c’est le lever des possums qui cherchent, autre chose, que des feuilles à manger. Nouveau réveil matinal, c’est que nous prenons goût à faire les randos de deux jours en une journée. Au programme, 24 km entre lacs et montagnes. Les premiers rayons du soleil sortent et éclairent des petits lacs au bord desquels s’élèvent quelques pins stylo, une espèce endémique à la Tasmanie. Le spectacle devient fantastique quand, les rayons éclairent les milliers de toiles d’araignées accrochées à la végétation.

D’autant plus surprenant, que ce spectacle, arachnidé, n’est visible qu’à contre-jour ! Loin de porter notre croix, nous arrivons au sommet des murs de Jérusalem. Le point de vue est superbe. Le regard se porte à des kilomètres où s’étend une myriade de petits lacs. Le site doit son nom à sa ressemblance avec les murs de Jérusalem, il ne faut, cependant, pas s’attendre à voir la ville sainte de là-haut !

Toujours aussi rapide que le diable, nous reprenons la route dans la foulée. Direction un autre parc national, celui de Cradle Mountain. Pas un instant à perdre, la météo est favorable, alors nous profitons d’un des hauts lieux touristiques de Tasmanie, à une heure peu touristique, le crépuscule. Ici, le lac de Dove est un miroir dans lequel se reflètent les pics de Cradle Mountain.

Avec Wineglass Bay, ce sont les deux cartes postales du pays. La nuit tombée, nous trouvons un endroit où dormir à la sauvette, car à Cradle, aussi bizarre que celui puisse paraitre, les installations touristiques sont quasi inexistantes. Et c’est d’ailleurs comme cela partout en Tasmanie, peu d’infrastructures malgré un tourisme en développement… pourvu que ça dure. Wallabies, possums et oiseaux nous disent bonne nuit, enfin quand ils voudront bien s’arrêter de piailler !

Le lendemain, nous nous attaquons à la célèbre randonnée qui monte au sommet du Cradle. Le sentier est très bien marqué, ça sent la rando pour tous ! Le challenge, c’est l’ascension finale du sommet qui se fait dans des gros blocs minéraux et demande de l’équilibre. La vue d’en haut est, une nouvelle fois, très belle et panoramique. Nous sommes à 1200 m, le point culminant de l’ile étant 1600m, le regard porte loin. Le soir, nous hésitons entre un parc pour voir les diables, qui se cachent toujours, ou approcher les wombats dans leur milieu naturel. Au diable le diable et les parcs, nous préférons les animaux dehors !

Et la magie opère, quand nous apercevons ces grosses boules de poils, de loin puis de très très près. Animaux endémiques à la Tasmanie, ils sont une sorte de croisement entre un bébé ours, une marmotte et un koala… Conclusion, ils sont vraiment mignons, de vrais peluches. Mais, interdit de les ramener à la maison pour les offrir à vos enfants. De toute façon, il vous faudrait déjà pouvoir les attraper, vitesse de pointe 40km/h, et lui mettre une muselière car ces gentilles peluches peuvent vous mordre, et garder le morceau ! Vaut mieux-t’il pas se contenter des peluches vendues au visitor center ?

Nous retrouvons notre campement et nos animaux de compagnies, après une journée riche en rencontre animalière, mais toujours sans avoir vu la queue du moindre diable.
Ce matin, il pleut. Fuyons avant que notre voiture change de couleur… direction le soleil, direction la côte nord. Sur la route, ce sont les boites aux lettres qui attirent notre attention… Plus que les malheureux possums et wallabies ayant oubliés de regarder avant de traverser. Les habitants se livrent ici, une bataille ardue pour la boite aux lettres la plus originale, tout y passe : la boite en forme de cochon, les boites motorisées (tondeuse, moto), la boite fleurie, les boites humaines… A notre grand désarroi, personne n’a pensé à la boite Diable !

Sans surprise, la côte nord nous offre la mer, plus précisément le détroit de Bass, en 12h de bateau vous êtes sur la grande île Australienne. Nous nous aimons cette petite île, d’autant plus que nous rencontrons, à Burnie, un sympathique couple néo-Tasmanien. Nous logeons 2 nuits chez eux, via Airbnb. Ils ont fui la chaleur de la côte ouest Australienne pour le calme et la douceur de la côte nord Tasmanienne. A la tombée de la nuit, nous partons à la rencontre de petits mammifères marins : les manchots bleus, les plus petits au monde. Aussi magique que cela puisse paraitre, ils sortent de la mer, déambulent sur la plage pour venir nourrir leurs petits installés dans des niches en bordure de route.

Le spectacle est attendrissant et très sonore. Les petits crient famine dans leurs caches. Le lendemain, nous profitons d’un peu de repos, après nos dernières journées matinales, et déambulons dans les alentours de Burnie, à la recherche d’un autre animal symbolique de l’île, l’ornithorynque.
Ce mammifère particulier se montre dans les eaux peu profondes au crépuscule, mais il ne se montra pas cette fois-ci !

Nous reprenons la route le long de la côte, jalonnée par de superbes plages, jusqu’à atteindre la minuscule péninsule de Stanley. Voici notre point le plus septentrional du voyage. Ici, se dresse un minuscule village tout droit sortie des années de l’âge d’or, coincé entre deux magnifiques baies et surmonté par un ancien volcan, au profil remarquable, le Mt Nut. La grimpée y est raide mais la vue récompense le court effort !

Sur le sentier panoramique, un nouvel animal endémique nous dit bonjour, l’échidné. Une sorte de croisement entre un hérisson et un porc-épic, intitule de préciser que sa vitesse de pointe n’est pas celle du wombat. Nous avons donc tout le temps de l’observer pointer son museau dans la terre à la recherche de fourmis et de se mettre en boule quand nous devenons trop intrusifs.

La route, vers le centre de l’ile, change au fil des kilomètres. Après les fermes et les collines déboisées, nous progressons dans des forêts d’eucalyptus avant d’arriver dans une végétation plus luxuriante. Nous nous rapprochons, peu à peu, d’une autre côte, celle de l’ouest. Cette côte se veut verdoyante, sauvage et difficile d’accès. Nous débarquons à Strahan, une petite ville qui offre un des seuls accès routiers à la côte ouest. A l’instar de Stanley, cette ville sent bon le western, et est bordée par de magnifiques plages sauvages battues par les vents… Nous nous sentons un peu au bout du monde ici.

Notre camping, est un lieu idéal pour observer les ornithorynques. Youpi, une nouvelle chance ! Nous prenons notre mal en patience avec une bouteille de vin… La bouteille terminée, nous sommes trop épuisés et/ou alcoolisés pour attendre l’animal alors que la nuit est, elle, bien arrivée. Zut, encore raté !

Le lendemain, la route serpente et prend un peu de hauteur. Nous arrivons à Queenstown, ville minière par excellence. La montagne est déboisée et exploitée pour la recherche des minéraux. Cela donne une belle couleur agrume à cette ville aussi fantôme que le diable de Tasmanie. Le ciel est gris et, en l’absence de soleil, nous continuons notre route, et puis, notre voiture est déjà couleur or !

Enfin, nous retrouvons un peu de relief en arrivant dans le parc national du lac St Clair. Le camping jouxte cet immense lac où il est possible d’apercevoir des ornithorynques ! Nous courrons jusqu’à une plateforme d’observation… attendons… attendons encore un peu et puis… nous partons sans avoir aperçu ni le bec ni la queue de l’animal. Nous pensons que l’ornithorynque est de mèche avec le diable. Ils doivent avoir la même cachette, et bien rire de nous ! Tant pis pour eux, nous jetons notre dévolu sur un Wombat qui vient, lui, nous faire coucou au bord du lac. Quelques minutes plus tard, nous tombons nez à nez avec un échidné peu craintif.

Nous remettons les jambes en action en grimpant au sommet du Mt Rufus, qui nous offre une vue plus que panoramique sur le lac et les forêts d’eucalyptus. Ici, il faut s’accrocher, les fortes rafales de vent auraient tendance à nous faire descendre plus vite que prévu !

D’un parc à l’autre, nous voilà en fin de journée dans le parc du Mt Field, plus au sud, et non loin d’Hobart… Nous nous rapprochons de la fin. Dans le camping, nous côtoyons les Pademelons, des cousins des Wallabies, encore plus petit et avec une tête de souris. La pluie nous empêche de gravir le Mt Field. Nous nous contentons alors d’une courte balade en forêt, pour admirer la cascade de Russell, icone du parc, qui manque malheureusement d’eau.

La météo ne semble plus être en notre faveur pour les 3 derniers jours. Nous décidons, alors, de revenir à notre point de départ du séjour, un camping proche de Hobart. Le vent s’est levé et les températures ont, cruellement, chuté. Nous le ressentons au sommet du Mt Wellington où la température ne doit pas excéder 4°C. Mais la vue sur la baie de Hobart, vaut bien le rafraichissement. Deux jours de suite, le vent nous empêche de marcher dans les forêts du Mt Wellington, par peur de prendre une branche sur la tête… Peut-être est-ce le réveil de la tornade du diable ?!

Le vent finit par retomber, le diable serait-il parti ? Ca nous laisse l’opportunité de faire une dernière randonnée, dans le parc Hartz Mountain. Nous prenons de l’altitude et perdons des degrés, à tel point, que les giboulées sont neigeuses ! Le sommet nous régal d’une belle dernière vue panoramique.

Au retour, nous empruntons une route forestière, couverte d’eucalyptus centenaire. Nous apprenons, en même temps, que ces arbres, ainsi que les autres essences originaires de l’île, sont en train de partir en fumée au sens propre du terme ! Ici, on brûle les forêts volontairement à base de napalm largué par hélicoptère. Le but est de déboiser pour planter des arbres biens droits, propices à l’exploitation. L’eucalyptus est l’arbre à papier et l’homme aime bien le papier. Alors ciao les vieux eucalyptus et bonjour les jeunes, pour quelques années avant la découpe. Chaque jour, ce ne sont pas moins de 40 terrains de foot qui partent en fumée. Résultat, il ne reste plus que 25% de forêt originaire sur l’île. Un véritable désastre écologique, d’autant plus que le napalm, n’est pas le produit bio par excellence ! Pas étonnant que le diable soit invisible. Il doit rester bien caché en observant tristement son habitat se consumer.

Nous devions bien ternir un peu l’image de cette ile aux trésors naturels, bien qu’elle-même, n’est absolument rien demandée ! Du coup, nous l’avons vu le diable de Tasmanie, même plusieurs fois par jour… Nous nous sommes juste trompés de cible… Nous pensions qu’il était un mammifère à 4 pattes, alors qu’il n’en a que 2, et même si elles sont reliées à un cerveau, celui-ci ne prend plus en compte son environnement naturel. Résultat, l’homme de Tasmanie fait bien plus de ravages que la tornade du diable.

Nous quittons la Tasmanie après 3 semaines intenses, en découverte et activité. Cette petite île possède une nature sauvage, des paysages entre mer et montagne spectaculaires et surtout, une faune que nous ne croisons nulle part ailleurs ! Encore loin du tourisme de masse et de ses infrastructures, ce bout de terre, détaché de l’Australie, n’a rien à envier à sa grande sœur, et jouie des atouts de son isolation. Nous partons enchantés, mais restons toujours dans l’incertitude sur l’existence réelle de Taz, ce diable de Tasmanie, qui nous fera revenir !
Pour le moment, changement de décor. Après 4 mois sur des terres iliennes (Bornéo, NZ, Tasmanie) nous terminons notre périple, entre Asie et Océanie, en pleine montagne, au milieu des montagnes… Bienvenue au Népal, temple du trekking. A nous, les chemins et les amis qui nous rejoignent pour partager ces derniers moments d’aventure.
Comentários