Entre lacs et montagnes, Patagonie Chilienne, 29.01.2017
- Clem'trotter
- 15 nov. 2018
- 11 min de lecture
Dernière mise à jour : 30 nov. 2018
2 semaines et 350 km plus tard revoilà des nouvelles fraiches de la Patagonie. Il faut dire qu’ici la connexion internet est aussi bonne que l’état de la Carretera Austral (cette fameuse piste que nous suivons depuis quelques semaines). Par contre les paysages sont toujours aussi gigan’stique, entre trek dans les parcs Patagonia et Jenimini et coups de pagaies sur le lac Carretera, on a de quoi s’émerveiller !

En ce vendredi matin, la navette nous dépose à l’entrée du parc Patagonia. Marine, Rémy, Meryl et moi en sortons prêts à explorer deux parcs naturels excentrés des circuits touristiques : El parque Patagonia et El parque Jenimini.
Le parc Patagonia est en cours de création. Il est la propriété du couple Tompkins (créateur de la marque de vêtement outdoor North Face), déjà propriétaire de plusieurs parcs au Chili dans l’objectif de protéger ces sites naturels. L’emblème du parc Patagonia est le guanaco. Mi lama, mi- antilope, ils se baladent par dizaines entre les maisons du parc.

Samedi matin, nous quittons nos tentes pour faire l’unique (pour le moment) sentier balisé du parc. Ces six heures de randonnées nous offrent des paysages dégagés sur la vallée, des lacs et, au loin, des pics rocheux : ceux de la cordillère des Andes. Hors sentier, on grimpe au sommet du Cerro Tamanguito à 1480 m pour profiter d’une vue encore plus panoramique du site. Magique !

Après une pause pique-nique au bord d’un des lacs survolés par des condors, nous serpentons sur le sentier qui nous mène aux différents lacs remplis d’eau ou asséchés. Le chemin serpente parfois un peu trop et on se demande à quand la redescente. Enfin, nous marchons à flanc de montagne en perdant de l’altitude. Le retour au camping est aussi ensoleillé que le départ.

Le soir, nous faisons connaissance avec un groupe de français : deux couples, qui rejoignent eux aussi le parc de Jenimini à 30 km au nord. Comme nous n’avons pas de véhicule mais eux oui, on espère qu’ils pourront, le lendemain, nous transporter, ou au moins nos sacs, nous évitant de faire les 30 km chargés comme des mules. Et oui, pour ce trek, on doit prendre toutes nos affaires avec nous car pas de boucle pour en laisser à un point de chute. Dans nos sacs, il y a donc nos affaires de 5 mois (habits, tente, duvet… matériel électronique) ainsi que la nourriture pour 5 jours sans compter l’eau (estimation du poids du sac : entre 22 et 25 kg).
Pour se laisser plus de chances d’être pris en stop, nous décidons de partir en décaler du camping. Ce dimanche matin, Meryl et moi attaquons les premiers km de cette journée, qui risque d’être longue si le stop ne marche pas… Et au vu de la fréquentation du coin, on se fait à l’idée qu’il va falloir marcher.

La première voiture qui nous double est celle des 4 français. A notre grande surprise, Rémy et Marine sont dedans. Quelques mètres plus loin, ils s’arrêtent et nous discutons logistique. Finalement, nous mettons tous nos sacs dans leur coffre et Marine part avec eux pour garder les sacs jusqu’à notre arrivée. De notre côté, on continu à pieds avec Rémy. Nous sommes certes plus légers sans les sacs mais nous sommes également sous un fort soleil et sur une gravel road poussiéreuse. Après 2 km, un pick-up s’arrête. Ouf ! Meryl monte à l’arrière alors qu’avec Rémy, nous nous installons dans le coffre fermé, coincés entre bidons d’essence et roues de secours. Ca vibre autant que les suspensions et l’air pur a été remplacé par une quantité impressionnante de poussière !

Au camping, on retrouve Marine avec nos sacs et les 4 français qui partent faire une boucle dans le parc Jenimini. Nous, c’est un trek de 3 jours qui nous attend et que nous commençons en début d’après-midi sous un soleil trop chaleureux. Après une première montée où nous suons nos sandwichs, nous évoluons sur une sorte de plateau au milieu duquel la rivière a creusé un splendide canyon. L’eau est turquoise, l’herbe jauni par le soleil, les montagnes blanches de neiges ou rouge de fer et le ciel d’un bleu profond… Une palette me rappelant les couleurs de l’Ouest Australien.

A mi- randonnée, nous passons de l’autre côté de la rivière par un haut pont suspendu m’offrant quelques sensations. Nous continuons, ensuite, notre marche le long de la rivière alternant les bosses qui peu à peu commencent à nous fatiguer. Quand nous pensons être presque arrivés, nous sommes confrontés à notre premier passage de gué (et pas le dernier). Celui-ci est assez profond et, surtout, avec du courant. Pendant que Rémy et Marine le traversent dans une partie peu rassurante, avec Meryl, nous redescendons quelques mètres pour trouver un passage plus facile. Chaussures d’eau au pied, on passe de l’autre côté en se mouillant pas plus haut que les genoux. Elle est froide mais en cette fin de journée, cela fait du bien aux jambes et en plus ça lave ! Enfin, ça rince !

La zone de bivouac est en bord de rivière. Nous sommes seuls (comme depuis le début) et plantons la tente à côté d’une cabane plus que vétuste. Ici pas de restriction pour le feu. Génial ! C’est donc autour d’un bon feu que nous mangeons et profitons d’une soirée peu fraiche.

Lundi matin, on relance le feu le temps de se mettre en route. Après une première demi-heure en sous-bois (le paysage est bien différent), il est venu le moment de croiser un nouveau gué un peu plus large cette fois mais sans trop de risques. Puis, s’en suit une longue marche dans la vallée, alternant passages en sous-bois et traversée dans le lit de la rivière. Dans le ciel, le soleil alterne, lui, avec les nuages, et peu à peu, les nuages prennent plus de place, jusqu’à verser leurs premières larmes. Pendant que nous serpentons entre les arbres verdoyants de cette forêt humide, la pluie s’intensifie et le froid s’installe. Dans la forêt, on se sent encore à « l’abri ».

Quand on sort de la forêt, on change de vallée mais surtout on change d’ambiance. Le ciel est tout gris, les nuages sont bas et la température estivale de la veille est bien loin dans nos têtes. Pour, définitivement, se mettre dans le bain, il faut à nouveau déchausser pour une traversée de rivière plus froide que ce matin. Et, c’est à ce moment-là que le ciel semble nous tomber sur la tête… Premièrement, le chemin semble être dans le lit de la rivière. Je dis « semble » car les indications deviennent aussi difficiles à trouver que Charlie dans ses livres… Il faut dire qu’un cairn au milieu de milliers de pierre c’est pas si simple.
Deuxièmement, inutile de rechausser les chaussures de rando car, pendant 1h30, nous ne faisons que traverser la rivière et ses multiples bras toutes les 10 mn. Si la couleur de l’eau est glaciale, c’est qu’elle l’est réellement. Les pieds s’engourdissent peu à peu et l’eau monte aux fesses pour les passages les plus profonds.
Troisièmement, impossible de se réchauffer. A contrario, le froid s’empare de nos corps. Sous la pluie, le vent et l’eau des gués, il faut lutter, ne pas penser et laisser ces dents claquer et/ou tout son corps grelotter.
La météo ne s’arrange pas. Ça commence à être difficile dans les têtes surtout que le chemin est de plus en plus difficile à trouver et que la zone de bivouac semble s’éloigner à chacun de nos pas.

Heureusement, une pancarte à l’entrée d’un sous-bois indique enfin le bivouac. A notre grande surprise, et pour notre plus grand bonheur, nous y trouvons une cabane en meilleur état que la veille et, surtout, avec un poêle à l’intérieur. Transis mais sauvés, nous allumons, tout de suite, un feu pour enfin relâcher les épaules et les mâchoires crispées par le froid. Les flammes réchauffent nos extrémités et relancent l’afflux sanguin dans certaines zones oubliées. Peu à peu, nous retrouvons le sourire, surtout après un pique-nique que nous attendions depuis deux heures maintenant !

Pour passer le reste de l’après-midi, nous nous affairons à des activités champêtres. Nous coupons du bois (assez pour l’hiver), nous réparons la porte de la cabane (enfin la bâche), nous nettoyons l’intérieur (il y a même un balai) … C’est tellement propre et organisé qu’on aurait presque envie d’y rester une semaine, d’autant plus que le soleil réapparaît et nous montre enfin la vallée « de la mort » sous son bon côté.

Mardi matin, le ciel est lavé : bleu et sans l’ombre d’un nuage ! On progresse, à nouveau, dans la vallée mais sans frissons, à part ceux liés à la beauté du paysage qui nous entoure. A l’approche de la laguna verde, nous devons croiser deux fois la rivière alimentant le lac. L’eau est froide mais la couleur du lac occulte la perte de nos orteils. Le chemin longe le lac. Attention, ce n’est pas la balade du dimanche à vélo. Il faut grimper 300 mètres très raide avec des sacs toujours au-dessus des 20 kg. La montée offre quelques points de vue sur ce lac émeraude, cerclé de falaises abruptes et verdoyantes avec au fond le delta du lac alimentée par la fonte des glaciers. Une vraie carte postale.

La redescente de l’autre côté est aussi raide mais plus rapide. Nous y découvrons une nouvelle vallée dans laquelle coule un autre rio. Nous comprenons vite qu’il faut là aussi suivre le lit de la rivière et évoluer avec les chaussures d’eau pour les multiples traversées. Finalement, ce trek n’est pas si difficile si l’on considère qu’on en fait presque la moitié en claquette ! Au détour d’un gué, on recroise les 4 français qui sont venus de l’autre côté du parc en voiture et se font une boucle au soleil (les veinards n’ont pas vécu la journée de pluie). Peu après, nous apercevons les premières nuances de bleu du lac de Jenimini encadré par des hauts sommets aux couleurs volcaniques (rien n’à envier aux paysages colorés Islandais). Enfin, nous retombons sur un chemin plus roulant, puisqu’il est praticable pour les 4x4. La pause de midi (à 14h), depuis un promontoire, nous offre une vue d’ensemble de ce grand lac aux eaux allant du vert au bleu. Puis, nous traversons une dernière rivière mais cette fois-ci sur un pont. Nous sommes de retour à la « civilisation » après ces 3 jours de trek dans des vallées spectaculaires, sauvages et désertes.

Ici, c’est l’entrée nord du parc Jenimini. Cette entrée Nord est plus fréquentée que l’entrée Sud. Elle n’est qu’à 50 km de la première ville : Chile Chico. Après discussions avec le garde du parc, nous comprenons que ce ne sera pas facile de revenir à la ville en stop et surtout à 4. Aguerris, nous patientons en jouant aux cartes. Notre heure sonne quand un pick-up nous fait de la place dans le coffre où nous nous imbriquons avec nos sacs. Les 50 kms sont une gravel road magnifique serpentant entre rios et montagnes et offrant des couleurs toujours aussi surprenantes. Ce trajet, plus rapide que ces derniers jours, conclut parfaitement notre aventure dans ces deux parcs hors des circuits touristiques.

Chile Chico nous replonge doucement dans la vie citadine. Cette petite ville se situe au bord du lac General Carretera. Il est difficile de trouver un lieu où dormir. Tout est complet ou presque et nous préférons éviter (pour une fois) le camping. Après plus d’un mois en tente, il temps de retrouver un lit, un vrai. Sous les couleurs du soleil couchant, nous trouvons notre bonheur, et après un repas qui pèse dans l’estomac bien plus que nos sacs dans nos dos, nous nous endormons sur un matelas et dans des draps sans les soucis du réveil et de la pluie.

Mercredi, nous ne faisons pas grand-chose. Nous continuons à bien manger avec le petit déj de l’auberge puis des pizzas au feux de bois faites par nos soins. Nous ponctuons la journée par une visite du mirador assez « particulier » de la ville. Ce mirador est composé d’un escalier et d’une plateforme orange vif. Cette structure dénote avec le reste de la ville surtout qu’elle la surplombe. Cette œuvre d’un Hollandais nous fait plutôt penser, pour sa couleur, à celle d’un Marocain.

La vue sur la ville ne nous apprend rien. Encore une grande avenue où se croisent perpendiculairement des rues sous formes de blocs. Par contre, de l’autre côté, la vue sur le lac nous transporte dans des pays chauds (Grèce, Croatie…) avec des affleurements rocheux tombants dans une eau limpide.

Jeudi matin, il est l’heure de quitter cette énième ville perdue qui doit son développement à l’activité minière. Nous souhaitons rejoindre la route principale, la Carratera Austral. On prend l’option de marcher un peu et de quitter la ville pour lever les pouces. Rémy et Marine s’installent eux à la porte de sortie de l’avenue avec d’autres concurrents ! En plein soleil, au bord d’une route poussiéreuse, nous vivons notre plus long stop : 4 h. Enfin, un pick-up nous propose de monter à l’arrière. Soulagement ! Nous commencions à brûler. En Argentine, c’était le camion-stop alors qu’au Chili, c’est définitivement le pick-up stop qui nous fait avancer. L’avantage est le grand air et la place. Le désavantage est l’absence d’échanges avec nos hôtes confortablement installés à l’intérieur et, surtout, les secousses et la poussière.

Pendant plus de 100 km, nous longeons l’immense lac Carretera qui se partage entre Chili et Argentine où il prend le nom de lac Buenos Aires (la rivalité entre ces deux pays jusque dans les eaux). D’un bleu intense, il est le second plus grand lac d’Amérique du Sud derrière le lac Titicaca. Sa superficie de 1850km² (3 fois le lac Léman) nous donne le sentiment d’être en bord de mer.
Notre route s’arrête à Puerto Guadal. Nous, nous voulons aller à un autre Puerto, celui de Tranquilo. Alors, nous tentons le stop à la sortie de ce village très très paisible. L’attente se poursuit jusqu’au passage du soleil derrière la montagne. Le soleil faisant, nous nous rabattons au camping local pour la nuit.

Vendredi matin, nous sommes plus chanceux et montons cette fois-ci sur les sièges arrières d’un pick-up avec deux Chiliens. Nous retrouvons la Carretera Austral qui nous offre encore de splendides panoramas sur le lac Carretera. Les travaux sont nombreux sur cette piste qui tend à se moderniser pour désenclaver les villages et favoriser le tourisme.
Un peu avant Puerto Tranquilo, nous retrouvons Rémy et Marine (arrivés la veille en stop) dans un camping simpliste aux allures estivales : ponton avec parasol, canoë et plage bordant le lac. L’intérêt de ce camping est sa situation géographique, à proximité des Capillas de Marmol. Cette formation minérale de marbre vaut, parait-il, le détour.

Alors, ce samedi matin, nous embarquons sur deux canoës avec une jeune fille du camping qui nous sert de guide… Enfin, vue sa façon de guider, elle est plus là pour justifier le prix un peu élevé de nos pauvres embarcations en plastique. Le temps de rejoindre les rochers, le soleil a disparu derrière les nuages à notre grand désarroi car c’est aux premières lueurs du soleil que le site révèle sa splendeur.

Le site se compose de la chapelle, de la cathédrale et de la caverne de Marmol : trois gros blocs rocheux immergés qui se sont détachés de la falaise il y a 8 millions d’années. Au cours des années, l’eau du lac combiné au vent a érodé et sculpté ces roches de marbre, leur donnant des formes et des couleurs aussi surprenantes que féeriques.
Nous contournons et rentrons dans ces rochers par des galeries qui permettent de voir de l’intérieur le travail superbe, qu’encore une fois, la nature fait. Malheureusement, le site est une véritable attraction et les tours en canoë et bateau moteur sont nombreux tout au long de la journée. En conséquence de l’afflux, les roches s’érodent anormalement sous les coups de pagaies ou les frottements des coques de bateau.

Nous quittons ce site idyllique avec un pick-up qui nous dépose à la sortie de Puerto Rio Tranquilo. De nouveau une longue nous attend. Sous un soleil « caliente » et pendant 3h, nous patientons avant qu’une camionnette s’arrête sous nos pouces bronzés. Le conducteur travaille sur la Carretera comme beaucoup de personnes ici pour élargir, raviner et sécuriser cette piste qui, un jour, ne sera plus une piste pour devenir une véritable route. Le chauffeur nous dépose 30 km plus loin à un croisement un peu au milieu de nulle part (comme tout ici vous me direz). Et là, nous désespérons. Les voitures passent mais ne s’arrêtent pas alors que bons nombres d’entre eux ont suffisamment de place. Au bout de 3 h d’attente, nous nous disons qu’il va falloir camper ici.

C’est à ce moment-là qu’une jeep nous sort de cette rageante attente. Nous parcourons avec un Chilien les 90 km qui nous séparent de Villa Cerro Castillo, notre prochaine étape. La piste est toujours aussi belle entre forêts luxuriantes, rivières et lacs. Et puis d’un coup, la piste s’élargie. Nous trouvons des glissières sur les côtés et, même, des aires pour profiter des points de vue. Nul doute, ici la route n’attend plus que d’être bétonnée. Malheureusement pour le charme de cette Carretera et, heureusement, pour ceux qui habitent ici… si loin de tout.

Villa Cerro Castillo est du même acabit que les dernières villes rencontrées : petite et composée d’une unique une rue centrale. Ici, nous retrouvons avec grande surprise et plaisir deux franco-suisses : Kévin et Maude, qui parcourent la piste en vélo. Avec eux, nous passons deux nuits dans une maison de fortune chez l’habitant, où « l’accueil et la gentillesse » de la propriétaire additionné à l’insalubrité des lieux nous rend aussi aimable que la proprio.
De leur côté, Rémy et Marine, arrivés avant nous dans la voiture d’un ami, choisissent le camping. Bonne pioche. Dimanche matin, nos compagnons de voyage des 2 dernières semaines reprennent le stop alors que nous restons ici.

Cerro Castillo n’est pas une destination réputée pour son cinéma ou sa patinoire. Elle est, surtout, connue pour sa situation au pied du pic éponyme. Et c’est bien pour lui que nous restons ici. Nous souhaitons découvrir ce sommet sous différents angles au cours d’un trek de 4 jours.
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