Les premiers km sur la Carratera Austral, Chili, 20.01.2017
- Clem'trotter
- 15 nov. 2018
- 6 min de lecture
Dernière mise à jour : 30 nov. 2018
Depuis une semaine on s’est enfui de l’Argentine, non pas que le pays nous veuille plus, mais la façon dont on est arrivé au Chili ressemble à celle de fugitifs ou réfugiés Argentins ! Et maintenant nous voilà à parcourir la Carratera Austral, une piste aux paysages magnifiques qui traverse une des zones les moins peuplés du Chili. Bienvenue dans la Patagonie oubliée !

C’est à l’arrière d’un pick-up que l’on quitte, jeudi, El Chaltén, avant de grimper à l’arrière d’un autre, où il y a déjà un couple de Français, qui nous dépose à laguna del Desierto, fin de la route.
Avec Marine et Rémy, on préfère faire les 12 km à pied le long du lac plutôt que sur le bateau qui coûte un peu cher ! La rando est technique et offre de beaux panoramas sur la laguna. Le soir, on arrive au poste frontière argentin : une maisonnette, au bout du lac et au pied des montagnes, abritant un camping sommaire. Vendredi matin, le cabineros, assis sur l’unique mobilier de la pièce, tamponne notre passeport et nous indique le chemin à suivre pour rejoindre le post frontière Chilien.

La première portion du chemin est encore technique surtout pour ceux qui le réalisent à vélo, et ils sont nombreux. Puis, c’est sur un chemin long de 15 km, dans le no man’s land entre Argentine et Chili, favorable cette fois aux cyclistes, que nous marchons jusqu’à la douane Chilienne. Le bureau fait face à l’immense lac bleu turquoise de St Martin. Les cabineros ont la vie facile ici ! Avec notre tampon Chilien, nous posons notre tente dans l’unique camping surplombant le lac et l’embarcadère du ferry. La soirée se partage avec les allemands, les suisses et les français qui s’apprêtent à faire la Carratera Austral à vélo ou en stop !

Samedi, c’est une journée dimanch-esque. Le ferry que l’on doit prendre pour traverser le lac St Martin et rejoindre Villa O’Higgins ne part qu’à 17 h. Alors, on ne fait rien ou presque. Le matin, on attend que la pluie cesse en jouant aux cartes et, l’après-midi, on joue aux cartes pendant que la tente sèche. La traversée qui dure 3h30 est quelque peu mouvementée sur ce petit ferry. A notre arrivée au débarcadère, Rémy et Marine grimpent dans un pick-up. Nous faisons de même, avec Andy un Argentin rencontré la veille, dans un autre pick-up, évitant ainsi de payer le bus pour rejoindre la ville.

Sans grand hasard au vu de la taille de la ville et du nombre d’hébergements, on se retrouve tous, randonneurs et cyclistes, dans la guesthouse très agréable d’El Mosco. La ville, ou plutôt le village, s’articule autour d’une placette où se concentrent les mini-supermarchés, une longue rue et une piste d’aéroport encore plus grande que la rue.

Dimanche, la pluie qui ricoche sur notre tente nous réveille. On profite de l’intérieur cosy de la guesthouse pour se faire des pancakes, jouer aux cartes et discuter avec tous les voyageurs qui gravitent dans la cuisine. Il faut dire que la pluie ne cesse de tomber et que les activités dans la grande rue sont peu nombreuses, excepté d’aller faire les courses pour manger. Le stop pour quitter la ville semble rudement difficile. Peu de voitures circulent dans ce « bout du monde », Villa O’Higgins marquant le début ou la fin, suivant le sens, de la célèbre route Australe. On se renseigne donc pour les bus, mais celui de lundi est déjà complet et celui de mardi deux fois plus cher.

Lundi matin, la pluie nous réveille à nouveau, alors que Rémy, Marine et Andy s’essayent au stop depuis 7h30, nous décidons de rester ici pour profiter de l’éclaircie annoncée dans la journée. Avant d’acheter nos billets de bus, on va voir si le stop fonctionne pour nos 3 amis… mais ils sont toujours là, à quelques pas de la guesthouse. Découragés du stop et motivés par le soleil de retour, on va tous acheter un billet de bus pour mardi. Après deux jours de repos pour nos jambes, nous réveillons la machine en grimpant jusqu’au drapeau Chilien qui surplombe la ville. La montée est sèche quoique boueuse mais offre de beaux panoramas sur la plaine en contre-bas. Arrivés au drapeau, on contemple le bleu turquoise du lac, le blanc des pics enneigés et la pampa verdoyante au loin dans laquelle s’enfile la route Australe.

Sur le retour, on fait un crochet pour un autre mirador, cette fois- ci, sur la vallée de la rivière glaciaire El Mosco. La vue est colorée et dégagée. Le soleil nous redonne le sourire ! Finalement, c’est une bonne chose que le stop ne marche pas, pour cette fois !
Mardi matin, on range nos pouces et on pose tous nos fesses dans un mini-bus direction Caleta Tortel. Le bus se partage entre 3 Argentins dont Andy et 6 Français, nous deux, Remy et Marine et deux nouveaux, Ludovic et Margot. Ça y est, on roule sur la Carratera Austral. La piste est assez bonne et serpente dans une végétation luxuriante et verdoyante, rien de surprenant au vu du climat local « plu’mide ». Après 2 h de piste, nous embarquons sur un ferry pour une traversée, de 30 mn, de l’immense rio qui sépare la piste. En bifurquant direction Tortel, on s’engage sur une longue ligne droite qui borde un autre rio, lui-même bordé de hautes falaises verdoyantes d’où s’écoulent des dizaines de cascades. Les paysages ont une touche asiatique.

On ne serait presque pas étonné de voir une frontière Thaïlandaise, Vietnamienne ou autre. La première vue sur Tortel confirme ce sentiment de changement de continent. Tortel est un tout petit village (550 habitants) isolé au fond du Golf des Peines (Golf des Chagrins), coincé entre deux champs de glace et à l’embouchure d’une des plus belles rivières du Chili, la rivière Baker. Il y a encore une dizaine d’années, on accédait au village uniquement par la mer, aujourd’hui les quelques kilomètres de piste qui relient la route australe au village permettent son développement touristique. Le village est le domaine exclusif du cyprès de las Guaitecas (Pilgerodendron uviferum). Ici tout, absolument tout, est en bois. En 1955, les colons, qui recherchaient des terres cultivables, mirent le feu aux forêts des Indiens Alakalufs et se servirent ensuite des arbres immenses qui n’avaient pas complètement brûlé pour construire leurs barques et leurs habitations. La spécificité du village est d’être construit sur un véritable réseau de pontons en bois, bois des cyprès, sur près de 7 km d’extension.

On découvre ce système ingénieux et surprenant pour se rendre au camping gratuit au bout du village flottant. On descend des escaliers, on tourne, on change de ponton, on remonte des escaliers, on découvre les places du village en bois au-dessus de l’eau… et quelques maisons sur pilotis. Le camping est au bout de la plage sur laquelle sont échoués quelques bateaux et du bois flotté. Il se résume en un abri dans lequel on peut poser nos tentes de manière stratégique car l’endroit est petit. Nous sommes maintenant 6 français à arpenter les rues flottantes boisées de Tortel à la recherche d’échoppes où se nourrir. Après avoir mangé à tous les râteliers et à toutes les échoppes, on finit l’après-midi dans un restaurant aussi sympathique que savoureux.

Pour rentrer au camping fini les passerelles, on emprunte un sentier construit sur quelques planches pour admirer le village et ses alentours de plus haut. Le site est remarquable. Le village est niché dans une baie, s’agrippant aux flancs de montagnes et se parcourant par cet ingénieux réseau boisé. De l’autre côté, on admire de verdoyantes falaises abruptes aux pics enneigés d’où s’écoulent de puissantes cascades. La seconde partie du chemin est encore plus boueuse et les planches disparaissent au profit de la boue qui apparaît sur nos chaussures. Parfois, on se demande si on ne va pas arriver sur une rizière, ou croiser un gars avec un chapeau pointu. Finalement, on retrouve notre camping chilien où l’on profite de la cheminée rustique pour faire un bon feu et griller les saucisses du soir.

Jeudi matin, on quitte Tortel en stop, enfin on espère… 30 mn plus tard, on comprend que c’est aussi compliqué de faire du stop ici qu’à Villa O’Higgins. Par chance, il reste quelques places dans un mini-bus pour repartir sur la route Australe. On laisse derrière nous surement l’un des plus beaux et surprenant village de notre road trip, heureux d’avoir découvert cet autre « bout du monde ». En reprenant la Carretera Austral, on double nos amis cyclistes qui roulent dans cet univers magique. Notre chauffeur adore cette piste et nous montre cascades, sommets et…. Huemul. Au détour d’un virage, un jeune croise notre route tranquillement, nous permettant de l’admirer et le photographier (cette fois-ci).

Après 3 h de piste, nous arrivons à Cochrane, ville de taille moyenne (5000 habitants), un des derniers endroits où parvient la civilisation sur la Carratera Austral. La ville est agréable du moment où les chiens n’aboient pas sans cesse. On plante nos tentes dans un camping, ou plutôt un jardin, où poussent les tentes comme des champignons. Dans la soirée, on monte une bute qui surplombe Cochrane, marqué d’ailleurs en grosses lettres tel Hollywood.

Ce matin, Ludo et Margot partent avec un autre bus pour le nord alors que nous restons ici avec Andy, Rémy et Marine. Fameuse journée de transition et de réflexion… En effet, on veut partir marcher dans deux parcs proches d’ici mais difficiles d’accès en stop et lourd en logistique. Une marche de 3 jours relie le Parc Patagonia (nouveau parc privé établit par Douglas Tompkins, créateur de la marque North Face) au Parc Jenimini plus au nord et offre une nature sauvage et loin du tourisme, mais peut être trop loin pour se motiver dans cette fastidieuse excursion … A suivre.
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