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Pâques sur l'île de Pâques, Chili, 8.04.2017

  • Photo du rédacteur: Clem'trotter
    Clem'trotter
  • 21 nov. 2018
  • 19 min de lecture

Dernière mise à jour : 30 nov. 2018

Avant notre départ de France, il y a 5 mois, nous projetions de finir notre voyage entre Bolivie et Pérou. Cependant, la Patagonie nous a retenu, avec grand plaisir, plus que prévu. L’île de Pâques s’est, alors, peu à peu, immiscée dans nos esprits. Une destination parfaite pour terminer notre aventure ! Aujourd’hui, l’île de Pâques est dernière nous et, jamais, nous n’aurions pu faire meilleur choix tant cette île nous a envouté. Retour sur ce spectacle naturel et culturel aussi fort et imposant que ses moaï !

En deux bus, nous voilà à l’aéroport de Santiago. Il est 1 h du matin quand nous étalons nos matelas dans un coin de hall. A 6 h, le réveil sonne. Nous regardons nos sacs chargés de nourritures partir vers la soute et passons les portillons de sécurité jusqu’à nous asseoir au 15F et 15D de notre avion. Sur l’écran de nos sièges nous apercevons le trajet. L’avion effectuera une grande parabole au-dessus du Pacifique pour arriver à un point minuscule au milieu de nulle part. Ce point à peine visible répond au nom évocateur et envouteur de Rapa Nui ou île de Pâques !

Avant d’entrer dans l’intimité de cet îlot volcanique, il nous paraît intéressant de présenter un peu notre hôte. Informations glanées dans le livre A la découverte de l’Île de Pâques de James Grant-Peterkin.

Sa formation : l’île a été formée par trois éruptions volcaniques au fond de l’océan entre 3 000 000 et 75 000 ans avant notre ère, lui donnant sa forme triangulaire si caractéristique. L’origine des éruptions est attribuée à un point chaud sous la plaque tectonique Nazca.
Son peuplement : les premiers occupants de l’île de Pâques sont arrivés d’autres îles de la Polynésie à une époque comprise entre 600 et 900 apr. J.-C. L’île qu’ils nomment Rapa Nui (« grande Rapa ») serait la réplique de l’île de Rapa en Polynésie française. Ils auraient parcouru plus de 2 000 kilomètres en emportant avec eux le nécessaire pour instaurer une nouvelle société sur une île inhabitée. La tradition orale a conservé le nom « Te Pito O Te Henua » (« le nombril du monde ») afin de parler de son isolement géographique. A leur arrivé, l’île était couverte à 70 % de palmiers et de plantes et les eaux remplies de poissons. Hier comme aujourd’hui, l’homme a impacté son environnement modifiant l’aspect et l’écologie de l’île… à jamais.
Ses statuts : Nous avons tendance à croire que les statues font face à l’océan pour repousser les menaces extérieures. En réalité, elles regardaient vers l’intérieur des terres (faisant dos à l’océan) pour surveiller et protéger la population avec leurs pouvoirs spirituels. Le culte des ancêtres était commun à toute la Polynésie. Ils croyaient que le « mana » (énergie spirituelle) des personnes importantes continuaient d’exister après la mort et pouvaient influencer le cours des évènements. Ainsi, à l’île de Pâques, lorsqu’une personne importante décédait, les habitants faisait sculpter une statue dans la carrière de Rano Raraku. Cette statue était ensuite transportée jusqu’au village du défunt où elle était érigée afin que le mana veille sur ses descendants (entre 1 000 et 1 600 apr. J.-C.). Leur déplacement a suscité et suscite toujours de nombreux questionnements. Celle retenue actuellement par les scientifiques explique que les statues étaient installées debout sur une structure en bois semblable à un traineau et tirées, à force humaine, sur des rouleaux. Les habitants faisaient « marcher » les statues moaï jusqu’à leur plate-forme dans une sorte de balancier. Une autre fausse idée est de croire que les arbres étaient uniquement abattus en vue de ce transport. Cependant, abattre les arbres permettait de dégager les terres afin de cultiver. Enfin, pour ériger les moaï, la théorie veut que les rapa nui calaient des pierres sous de solide pieux qui servaient de levier. A la force des bras, les équipes pouvaient mettre plusieurs jours pour dresser la statue.
Ses explorateurs : le premier explorateur est Jacob Roggeveen. Le 5 avril 1722, jour de Pâques, il découvre cette île qui n’apparait sur aucune carte d’exploration et décide de la baptiser Île de Pâques. Trouver un nom était, quand même, moins compliqué à l’époque ! En 1770, Felipe Gonzàlez de Haedo débarque avec une expédition espagnole afin de réclamer ce territoire pour l’Espagne. Les habitants acceptent sans opposition. L’île fût alors rebaptisée l’Île San Carlos » en l’honneur du roi d’Espagne. 4ans plus tard, le capitaine anglais James Cook débarque sur l’île qui lui apparait dévastée.
Sa décadence : En 1774, les conditions de vie sont devenues déplorables (malnutrition due à un appauvrissement des ressources, hygiène, santé…). Les statues ont également été saccagé. La dernière statue visible debout date de 1838. Celles que nous voyons donc aujourd’hui ont toutes été restaurées. Les scientifiques considèrent donc qu’entre la période 1770- 1838, l’homme les aurait volontairement toutes couchées. Certaines se sont alors cassées et toutes subissent les dommages de l’érosion. Deux théories expliquent pourquoi les habitants auraient renversé leurs, si sacrées, statues. - La première suggère que le manque de ressources sur l’île a provoqué des guerres tribales faisant que les clans s’attaquaient mutuellement à la recherche d’aliments et détruisaient les moaï de leurs ennemis. L’arrivée soudaine des plusieurs explorateurs a pu, également, augmenter les rivalités. -La seconde théorie suggère que les rapanui avaient perdu foi. Ils auraient détruit leurs propres statues face à la non-réaction des Dieux. Aujourd’hui, il est affirmé que l’obsession des rapanui à produire des moaï a été l’une des principales causes de la décadence de leur société. Ils ont préféré s’occuper de leurs statues nécessitant beaucoup d’énergie et de ressources naturelles plutôt que privilégier la construction d’une société durable (cultures agricoles, par exemple).
Sa dépendance chilienne ?! : Le 9 septembre 1888, le Chili revendique sa souveraineté. Pendant longtemps, l’île est restée dans l’ombre du Chili engendrant une détérioration de la culture allant jusqu’à l’interdiction de l’usage de la langue Rapa nui. Par la suite, les changements politiques chiliens ont eu divers bénéfices pour l’île. Grâce à son classement au patrimoine de l’UNESCO depuis 1996 et à l’essor du tourisme ces dix dernières années, l’île de Pâques est (re)devenue un endroit important du pays. Toujours dépendant du Chili, ses habitants recherchent, maintenant, une autonomie grandissante.

Avec toutes ces informations, nous sommes prêts à partir à la découverte de cette île et à explorer ses moindres recoins. A pied ou en stop, du nord au sud et d’est en ouest, nous allons vous présenter notre exploration à partir des quatre points cardinaux d’une boussole. Commençons par le lieu où nous avons passé le plus de temps (puisque nous y avons dormi), Hanga Roa est l’unique ville de l’île.

HANGA ROA/LE CENTRE : nous débarquons sur le tarmac d’une piste coincée de chaque côté par l’océan. A lui seul, l’aéroport occupe déjà une bonne partie d’Hanga Roa. Ici, il ne faut pas s’acclimater à l’altitude mais à une humide chaleur que nous trouvons étouffante et transpirante après autant de temps dans les Andes. Au camping (tout autre hébergement est hors de prix), nous rencontrons les propriétaires, Octavio et sa femme ainsi que Maude et Valentin un couple de Français habitant à Valpo.

Nous sommes les deux seules tentes de ce petit camping bien équipé et joliment aménagé. Son emplacement, à deux pas du site Tahai, en fait un camping idéal pour admirer les couchers de soleil derrière les statuts moaï. Activité que nous faisons, avec émerveillement, chaque soir.

Le site comprend trois « Ahu » (plates-formes) qui se succédent et font dos à l’océan : Ahu Vai Uri, Ahu Tahai et Ahu Ko Te Riku. Restauré entre 1968 et 1970, le site se révèle comme le plus ancien de l’île laissant à penser que cette partie de l’île fût la première à être peuplée.

La plate-forme d’Ahu Ko Te Riku est la plus récente et photogénique (surtout au coucher de soleil). Le moaï, qui s’y dresse, est doté d’une coiffe de tuf rouge. Il est également l’unique à, encore, posséder une paire d’yeux. Ces derniers sont une réplique. Les sculpteurs taillaient les orbites qu’une fois le moaï érigé sur la plate-forme. Tailler les orbites d’un moaï et y placer les yeux équivalait à faire venir le « mana » (esprit) du défunt à la vie. Si vous êtes couche-tard ou lève tôt, profitez-en pour contempler Ahu Ko Te Riku regardant les étoiles Un spectacle unique d’autant que vous serez seul !

La ville, ou village, se composent de rues intérieures ombragées par les bananiers, les cocotiers, les eucalyptus ; de petits ports ; d’espaces verdoyants ; et d’espaces de baignades ensoleillées. Un doux mélange coloré en voie de développement ; le tourisme grandissant plus vite et plus haut que des moais.

Tuava ou Joel, deux locaux rencontrés lors de nos marches « citadines », s’inquiètent de ce tourisme. Bien sûr, les retombées économiques font vivre une majorité de personnes mais l’île, qui était il y a 10 ans encore loin du tourisme de masse (aujourd’hui 100 000 personnes par an), commence à subir les conséquences du flux et, plus grave, à perdre de son identité. Ces conséquences vont du surnombre d’hébergements, à la vente de terrain à des grands groupes hôteliers en passant par l’appauvrissement des réserves d’eau douce, à la gestion d’une grande quantité de déchets et, surtout, à la protection des sites archéologiques, unique témoignage de l’histoire des Rapa Nuis.

A pied puis en stop, nous rejoignons le site d’Ahu Akivi où sept moai mesurant 4m trônent sur une plate-forme de 90m. Ces statuts sont les seules tournées vers l’océan. Cependant, entre elles et l’océan, se trouvait, auparavant, un ancien village. Ce site est le premier à avoir été fouillé puis restauré.

Ahu Akivi est une sorte de cadran solaire. Les moaï sont alignés aux points du lever de soleil lors des équinoxes de printemps et d’automne permettant aux agriculteurs le connaître les dates de changement des saisons ! sur l’île, 15 autres plates-formes sont orientées dans cet objectif.

Au pied d’Ahu Akivi démarre un sentier qui nous mène (après une bonne heure) au point culminant de l’île : le Terra Vaka à 507 m. Ils sont loin les hauts sommets Andins ! Au sommet, nous découvrons d’anciens cratères et, surtout, une vue panoramique sur la quasi-totalité de l’île. En effet, le sud offre la vue la plus large avec volcans, côte Est/Ouest et Hanga Roa.

Au nord, se dessine les hautes falaises basaltiques où ruminent les chevaux. Aujourd’hui, impossible de se sentir seul. Cependant, nous imaginons bien la solitude ressentie, au milieu de cette immensité bleu, par les premiers polynésiens débarquant sur l’île et grimpant ce volcan.

D’en haut, nous apercevons un autre volcan : le Tuutapu, au pied duquel se niche une carrière. Là-bas, nous rentrons dans le site de Puna Pau « source tarie ». Pesant jusqu’à 12 tonnes, il en existe seulement une centaine pour environ un millier de statuts. Ce cratère volcanique de scories rouges était la carrière où étaient sculptés les coiffes maoï appelées « pukao ». Attention, ce n’est pas ses chapeaux mais bien des coiffes rappelant celles des hommes de haut rang de l’époque : cheveux longs enroulés et attachés sur la tête. La mode était donc aux cheveux longs… C’est décidé je ne me couperai pas les cheveux en rentrant !

De retour aux statuts d’Ahu Akivi, nous suivons un autre chemin intérieur ponctué de plusieurs Ana « grottes ». Leurs portes d’entrée, plus ou moins accessibles, se distinguent par des effondrements, souvent végétalisés (plus humides et ombragés). Celle d’Ana Te Pahu est indéniablement la plus « ludique ». Nous y marchons bien 20 mn (frontale indispensable) avant de s’en extirper par un véritable trou de souris. Cette grotte est un tunnel de lave de plus de 7 km (nous avons dû en faire 700 m) dont l’espace permettait aux populations primitives d’y vivre et d’y dormir. Une fois à l’aire libre, nous évitons de tomber dans les trous d’autres Ana et rejoignons un sentier côtier, celui de la côte Ouest.

OUEST : Nous parcourons la côte ouest intégralement à pied. Du camping, il est possible de suivre un sentier, long de 20 km, jusqu’à la plage d’Anakena située sur la pointe nord. Après quelques minutes, un moai se dresse face à nous : Hanga Kio’e. Haut de 4 m, il trône sur une des plates-formes les plus récente, datant de 1 600 ap J.-C. Autre chiffre plus impressionnant, ce moaï a parcouru 20 km depuis la carrière de Rano Raraku où étaient sculptés tous les moaï.

Plus loin, nous découvrons le site d’Ana Kakenga où deux îlots rochers subissent le mouvement cyclique des vagues turquoise du Pacifique. Par une entrée de trou de souris, et avec une bonne lampe, nous rentrons dans un tunnel de lave se terminant par deux fenêtres ouvertes sur l’océan. Ces fenêtres se trouvent dans la même falaise que nous surplombions quelques minutes plutôt… Magique !

Après être sortie de la grotte dans la même entrée, nous continuons notre chemin pour découvrir un nouvel « ana ». Nous nous accroupissons pour rentrer dans Ana Te Pora et découvrons une salle où les Rapanuis pouvaient dormir sur des lits de pierre. Cette fois, pas de marche arrière. Il est possible de sortir par une autre entrée ! En plus de servir d’habitat, ces grottes faisaient d’excellente cachette.

Le sentier continu son chemin entre le fracas des vagues sur les hautes falaises et les roches basaltiques disséminées dans des prairies jaunies foulés par vaches et chevaux. La marche est longue et solitaire. Peu de touristes s’aventure dans ces pâtures qui recèlent de sites archéologiques. Ainsi, nous trouvons des plates-formes pour le levage des statuts, des fondations en pierre dans lesquelles s’emboitaient des branches pour créer des « Hare Paenga » (huttes) et des « Pipi Horeko » correspondant à des petits monticules de pierres utilisés pour marquer des limites entre territoires tribaux ou des zones interdites.

Au loin, se dessine quelques palmiers puis du sable blanc ! Nous rejoignons enfin la plage d’Anakena et la côte Nord après cette longue immersion en côte ouest (indispensable de partir avec beaucoup d’eau puisqu’il n’y a pas de points d’eau sur le sentier).

NORD : dans l’hémisphère sud, le duo plage/baignade se trouve généralement plus au nord, à contrario de chez nous. L’île de Pâques, malgré la faible distance entre nord et sud (25 km), n’échappe pas à la règle. Ici, on se baigne donc sur la côte septentrionale. Anakena, la plus grande plage de l’île, est une merveille… Cette plage de sable blanc aux touches de rose léché par les eaux turquoise du Pacifique est encadrée par des palmiers de Tahiti. Au milieu de cette plage paradisiaque, se dresse Ahu Nau Nau, une plate-forme avec 6 moaï.

Au-delà du côté idyllique de cette plage, elle est surtout le lieu où débarquèrent, il y a plus de 1 300 ans, les deux grandes pirogues Polynésiennes venues pour peupler l’île. En observant le relief du littoral, nous comprenons la raison pour laquelle ils choisirent de débarquer sur cette plage « accueillante ».

La rénovation d’Ahu Nau Nau date de 1978. Les statuts sont d’un détail exceptionnel concernant les yeux, les narines, les oreilles et les mains. Ses finitions sont accentuées par les coiffes rougeâtres portées par quatre d’entre eux. Le travail des archéologues a permis de mettre en valeur ses statues préservées par la couche de sable qui les recouverts après qu’elles aient été couchées lors des guerres de tribus.

Au vu de leur emplacement idyllique, ces moaï devaient être très aimés de leur sculpteur, à moins que leur pigment minéral ait eu besoin d’un petit bronzage. Dans tous les cas, la plage d’Anakena, n’en est que plus magique !

Moins spectaculaire car plus érodée, une autre plate-forme abrite un unique moaï, Ahu Ature Huki. Ce moaï a la particularité d’avoir été le premier redressé, en 1956. Cela a duré 18jours puisqu’en effet c’est la méthode ancestrale qui a été utilisé.

Nous découvrons le reste de la côte grâce Arnaud et à sa fille Ela (franco-anglais) qui nous prennent en stop et s’arrêtent sur les sites nordiques d’intérêts. A quelques minutes d’Anakena, se cache la seconde et dernière plage de l’île : la discrète Ovahe. La plage s’est formée dans une petite anse, et comme Anakena, est dotée d’un sable rosé sur lequel s’échoue les vagues turquoise.

A contrario de sa grande sœur, Ovahe est moins fréquentée. L’endroit est parfait pour se baigner à l’abri de la foule. Qui plus est, cette plage offre de l’ombre quand, dans l’après-midi, le soleil passe derrière les escarpements de scories rouges. Les baignades rythment nos chaudes journées et sont salvatrices d’autant plus que l’eau, à cette époque, doit avoisiner les 25 °C.

Sur la route, se succèdent Te Pito Kura et Papa Vaka. Ces deux sites témoignent de l’activité spirituelle et culturelle des Rapa Nui. A Te Pito Kura, nous faisons face au plus grand moaï jamais érigé. Il ne mesure pas moins de 10 m, pèse 70 tonnes et sa coiffe, qui gît devant lui, mesure presque 2 m pour 10 tonnes. Il est le dernier moaï à avoir été vue sur pied par un étranger. Le chanceux est l’explorateur français Abel Du Petit-Thouars, visitant l’île en 1838.

A côté de Paro, nom du moaï (un des rares à avoir encore son nom connu), se trouve une grande pierre arrondie et polie entourée de quatre autres plus petites pierres. La légende veut que cette pierre ait été ramenée par le premier roi de l’île, Hotu Matua’a, depuis Hiva, la mythique île polynésienne d’où proviendraient les premiers colonisateurs. Elle renfermerait un « mana » important. Cette pierre pourrait également représenter le « nombril du monde » faisant référence à une des nombreuses appellations de l’île.

Papa Vaka se compose de plusieurs dalles rocheuses où il est possible d’observer des pétroglyphes (dessins sur pierre). Les plus visibles sont un requin et un thon. Nous pouvons aussi y deviner une pirogue et d’autres dessins en lien avec les activités de la pêche et de la mer.

En continuant la route, nous quittons l’océan et longeons la péninsule de Poike. Cette pointe orientale de l’île est un promontoire formé au cours de l’éruption, il y a trois millions d’années, du volcan Puakatike (370 m), le plus vieux de l’île. L’accès à cette péninsule est limité et les sentiers peu marqués. Nous contemplons donc le volcan et ses bouches éruptives depuis la route. En retrouvant l’océan, nous débarquons maintenant sur la côte est.

EST : l’Est de l’île se défini de la péninsule de Poike à l’aéroport. La seconde route principale de l’île parcourt cette côte plus plane et moins sauvage que celle de l’ouest. Mais la côte a la cote puisqu’elle abrite deux des plus grand sites moaï de l’île. De plus, cette route, bordant l’océan, offre des panoramas somptueux où les vagues viennent se fracasser sur le basalte acéré.

La première fois que nous découvrons le site d’Ahu Tongariki, nous arrivons de nuit (en voiture avec Maude et Valentin) et nous nous rendons compte de l’envergue et de la puissance du site qu’au lever de soleil. La seconde fois (accompagnés par Arnaud et Ela) nous connaissons le site et, pourtant, nous ressentons toujours la même excitation lorsque le soleil sort de l’océan et éclaire peu à peu les 15 moaï colossaux dressés sur la plate-forme longue de 220 m.

Nous sommes quelques lèves tôt à profiter du spectacle solaire derrière cet « ahu » qui représente l’apogée de la période sculpturale de Rapa Nui. La construction du site semble impensable au vu de sa taille déraisonnée, qui en fait, d’ailleurs, le sanctuaire le plus grand de toute la Polynésie.

La restauration du site a eu lieu entre 1992 et 1996. C’est dire qu’il y avait du travail. En effet, en plus des détériorations « traditionnels » des moaï par les tribus, cette plate-forme a subi, en 1960, un tsunami provoqué par le plus grand tremblement de terre jamais enregistré (magnitude de 9,5) aux abords de la côte Chilienne. Des vagues de plus de 11 m (plus haut que le plus grand moaï du site pesant 88 tonnes !) sont venues frapper de plein fouet la côte Est, emportant sur leur passage les moaï déjà couchés.

Fascinés par l’île de Pâques, les Japonais ont financé les 2 millions de dollars de cette restauration. Ils ont même fait don d’une grue capable de soulever ces colosses minéraux. Le résultat est tout simplement inqualifiable. Il faut le vivre pour le ressentir. Les Japonais mériteraient qu’on leur dresse une statue sur cette plate-forme !

A pied, nous rejoignons le site où les moaï sont nés, la carrière de Rano Raraku, située au pied du volcan éponyme. C’est le clou du spectacle, le bouquet final de tous les sites visités sur l’île : Terminer par là où tout a commencé.

Plus d’un millier de moaï ont été sculpté et environ 400 gisent encore, à différents stades d’avancement, dans cette carrière abandonnée. Comme si un jour, tous les sculpteurs avaient stoppé leur travail et posé leurs outils pour ne jamais revenir.

Heureusement pour nous, ils avaient déjà taillé pas mal de statuts qui étaient prêtes à être transportées, donc redressées. Nous déambulons sur les sentiers de cette carrière et observons, médusés, le travail pharaonique des Rapa Nui. De manière générale, voilà comment se passait une journée d’ouvrier sculpteur : Tous se rendaient à cette carrière pour sculpter le tuf, roche volcanique plus tendre et donc plus facile à tailler que le basalte composant la majorité de l’île. Peu importe les tribus, ici tous se partager l’espace dans la carrière. Les ouvriers travaillaient par équipe sous la direction d’un maître sculpteur et pouvaient prendre deux ans pour sculpter un grand moaï. D’abord sculptés sur le dos, les moaï étaient ensuite séparé du lit rocheux puis basculé directement dans une fosse où ils étaient redressés afin d’achever les détails. Avec le temps, les moaï inachevés ont été enseveli par la terre et les éboulis résultant des travaux précédents. Toutes les « têtes » que nous apercevons sont donc des moaï entiers recouverts au 2/3. Les moaï que nous découvrons sont donc comme les icebergs avec seulement 1/3 émergé.

Sur ce site unique, il est donc possible de voir des moai à différents stades de fabrications. Le plus représentatif est un moaï sculpté mais encore accroché à son lit rocheux. Allongé sur le dos, il est le plus grand moaï jamais construit avec ses 21 m de long (7 m rien que la tête) et aurait pesé près de 200 tonnes. Nous pouvons également observer des moaï laissés au sol. En effet, lorsqu’ils venaient à se casser, ils étaient abandonnés (après deux ans de travail pas facile à digérer) car, selon les croyances, un moaï qui se rompait perdait son « mana ». Il fallait alors en sculpter un autre.

Hypnotisés devant cette armée de moaï, nous reprenons notre route avec Arnaud pour découvrir d’autres sites de la côte Est. Le Pacifique nous régale de ses couleurs et puissantes vagues. Nous nous arrêtons sur un petit port de pêche en nous demandant comment les barques peuvent bien passer le mur de vague… Arnaud les a vu faire. Tout est une question de timing. Rien que pour les risques qu’encourent ces pêcheurs, il serait « irrespectueux de marchander le poisson » dixit Arnaud.

Nous quittons Arnaud et Ela avec qui, dixit à nouveau Arnaud « on est pas à l’abri de passer une bonne journée » et ce fût le cas lors de la découverte de la côte au soleil levant à leur côté.

SUD : Nous n’y entendons pas le chant des cigales et il n’y fait pas plus chaud qu’ailleurs (quoique !) mais ce petit bout de terre représente bien la partie la plus méridionale de l’île. Il se trouve derrière la piste de l’aéroport. Nous commençons par faire connaissance avec des moais couchés, ceux de Ahu Vinapu.

Au pied de cette plate-forme, se distingue au moins cinq moaï ainsi que quelques coiffes. Le plus remarquable est une colonne de pierre rouge qui été mise à jour en 1956. La statue possède des mains et bras minces, de petits seins et un nombril. Il s’agirait d’un des rares moaï féminin.

Pas question de se coucher et, tel un moai, nous restons debout et marchons le pouce levé. La route s’élève et les gouttes de sueur perlent jusqu’à ce 4x4 qui freine ! Le volcan Rano Kau domine le sud de ses 324m. Il s’est formé, il y a deux millions et demi d’années, suite à l’éruption la plus spectaculaire de Rapa Nui.

Les vues sont multiples. Au pied du volcan, nous devinons les habitats ombragés d’Hanga Roa. Autour, le bleu de l’océan l’emporte. Au centre, l’éruption a laissé un cratère (1,5 km de diamètre) impressionnant aux allures d’amphithéâtre naturel dans lequel se loge un lac morcelé par les joncs d’eau douce. Sûrement le plus beau site naturel de l’île.

Majestueusement perché entre le bord du cratère du Rano Kau et les hautes falaises qui plongent droit dans le Pacifique, nous découvrons Orongo. Durant la période des moaï, Orongo était un centre cérémoniel où se tenaient des rites d’initiation et de passage à l’âge adulte. Le site a été, en grande partie, restauré. Nous pouvons y observer des constructions en pierre dans un cadre des plus spectaculaires.

Orongo trouva sa véritable importance à la fin du XVIIe siècle. Suite aux différentes guerres tribales, les moaï, autrefois sacrés et régulateur social perdirent leur « pouvoir ». Afin de retrouver un contrôle de la société, un nouveau système de croyance religieuse a été instauré. La compétition de l’homme-oiseau a vu le jour (jusqu’en 1866). Cette compétition permettait à chaque tribu d’avoir l’opportunité de s’approprier le contrôle, non plus sur des critères de rang mais à partir de prouesses physiques. Les tribus se donnaient rendez-vous chaque printemps à Orongo, saison où les sternes fuligineuses venaient pondre sur les îlots proches du littoral. Le candidat « hopu manu », choisi par le chef de tribu, devait alors descendre les falaises jusqu’à la mer, nager 2 km sur une « pora » (planche de surf de l’époque) et trouver un œuf de sterne. Le premier à ramener l’œuf était désigné vainqueur. Son chef devenait alors le nouveau meneur : l’homme-oiseau. Personnellement, je verrais bien nos candidats à la présidentielle 2017 dans ce type de concours. Finis les querelles, les enfantillages et place à l’action, la vraie ! Le mieux serait encore qu’aucun des candidats ne sache nager !

Loin d’être des hommes oiseaux, nous préférons redescendre du volcan en stop plutôt que par les falaises. Une famille Portugaise nous dépose (cependant) non loin des falaises où nous découvrons Ana Kai Tangata « grotte des cannibales ». Le nom est bien plus effrayant que le site en lui-même. Cette grotte ornée de quelques peintures rupestres se trouve dans une crique rocheuse aux vagues rugissantes. Les peintures représentent des « manutara » qui n’est d’autre que la sterne fuligineuse évoquée ci-dessus. Il est consenti que cette grotte était donc un endroit où se réunissaient les « hopu manu » (avant et/ou après la compétition). En franchissant l’autre côté de la piste d’aéroport, nous quittons un sud historique et naturel pour nous replonger dans la société Rapa Nui actuelle.

Si ce récit vous donne envie de découvrir ce joyau du Pacifique mais que le budget vous conseille plutôt d’aller découvrir un joyau de la Méditerranée, prenez note : nous avons, hors billet d’avion, dépensé 65 € par jour pour nous deux, soit quasi la moyenne de notre budget journalier durant tout notre voyage.

La nourriture étant deux à trois fois plus cher sur l’île de Pâques, faites vos courses au Chili. Même, et surtout, pour les produits frais !

Pour éviter toutes surprises au débarquement, sachez qu’il faut payer une entrée de parc pour visiter tous les sites de Rapa Nui. Et ce n’est pas gratuit : 80 € par personne ! Nous avons entendu qu’il était possible d’acheter des billets « au black » à des personnes quittant l’île. Ravisez-vous ! En effet, la carrière de Rano Raraku et le village d’Orongo ne se visitent qu’une seule fois et le billet est tamponné à chacune des entrées. Inutile de vous dire que tout le monde visite ces sites et que si vous récupérez un billet à la sauvette vous pourrez peut-être circuler dans le reste du parc mais il vous sera impossible d’aller à ces deux sites.

La location de véhicule ou moto coûte très cher. Au vu de la petite taille de l’île, économisez votre argent et partez la découvrir à pied et en stop (ça marche très bien).

Pour l’hébergement, rendez-vous au camping. En moyenne, 10 € par personne et par nuit. C’est mieux que les 300 € des hôtels. Certes, vous n’avez pas la piscine mais, peu importe, vous avez une plus grande piscine tout autour de vous : le Pacifique. Nous vous conseillons le camping d’Octavio. Magnifiquement situé avec seulement 12 emplacements. Son nom : camping Ana O Tai (octaviohaoa@gmail.com). Si vous n’avez pas de tente, le camping Mihinoa en loue, mais le site est moins agréable.

Enfin, nous nous sommes offert le luxe d’un restaurant pour goûter les poissons fraichement pêchés. La Kaleta propose un steack et un céviché de thon délicieux. De plus, la terrasse sur la mer en font une adresse à recommander.

Vous pouvez donc voyagez sur l’île de Pâques avec un budget serré, à condition de faire quelques concessions. Mais vous en profiterez tout autant voire plus car, comme d’habitude, voyager à petit budget c’est un grand voyage assuré !

Ça y est, nous avons fait le tour des points cardinaux de notre boussole insulaire. Ce voyage d’une semaine restera marqué dans nos mémoires. Il faut dire qu’ici, nous nous sentons ailleurs. L’île est petite mais tellement grande par ses richesses naturelles, historiques et culturelles. Comme nous disions à Octavio : « nous sommes venus ici pour les statues moaï qui font tant rêver de l’autre côté des océans, et nous repartons avec le sentiment que ces statues ne sont qu’une composante de ce qui fait la magie de cette île. Elles sont comme la cerise sur le gâteau » ou la coiffe sur le moaï pour rester dans l’esprit Rapa Nui.

Fin de l’aventure insulaire à l’approche de Pâques ! Il est maintenant l’heure pour nous de revenir dans l’hémisphère nord (chemin inverse d’il y a cinq mois, Buenos-Aires - Sao Polo – Istanbul - Paris avec 30 heures d’avion) pour fêter Pâques en France, retrouver les familles et les amis pour quelques jours, avant un nouveau départ en terre Viking pour partager notre amour du voyage.

Cette aventure sud-américaine, andine, patagonne… Peu importe son nom, ce road trip de 5 mois nous aura permis de nous émerveiller et de nous épanouir à travers une nature et une culture, qui nous ont été offerte, cette fois-ci, par l’Argentine et le Chili avec un final inoubliable sur l’île de Pâques… Et ce dans un mode que nous aimons tant, celui du sac sur le dos et du passeport en poche.


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