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Trek le plus austral au monde, Navarino Island, Chili, 21.12.2016

  • Photo du rédacteur: Clem'trotter
    Clem'trotter
  • 12 nov. 2018
  • 8 min de lecture

Dernière mise à jour : 30 nov. 2018

Le trek de Stewart Island (Nouvelle-Zélande) pour la boue et les racines ; le trek d’Ammanssalik (Groenland) pour le côté minéral et les lacs ; et enfin, n’importe quelles randonnées islandaises pour la météo. Voilà à quoi ressemble le trek Dientes del Navarino, le plus austral au monde, où nous venons d’user nos chaussures et nos sens. Récit d’une folle aventure au « bout du monde », le vrai cette fois.

A l’arrière du zodiac, les maisons d’Ushuaia s’éloignent tandis que se rapprochent, à l’avant, les premières côtes de l’île Navarino. Nous naviguons, pour quelques minutes, sur le canal de Beagle séparant l’Argentine du Chili.

C’est, ensuite, en mini- bus que nous découvrons, le long d’une gravel road sinueuse, une nature sauvage et verdoyante sous quelques gros flocons de neige. Nous découvrons aussi la faune locale composée de vaches et de chevaux, que nous manquons de percuter à chaque virage. A Puerto Williams, ville principale de l’île, on rencontre Cecilia, la gérante d’une guesthouse et, bien plus encore comme on pourra s’en rendre compte au fur et à mesure. Sa guesthouse étant complète, elle nous propose un ancien abri qu’elle a transformé en pièce à vivre. Une grande cuisine, une salle de bain et c’est tout… Pour le couchage, c’est au sol ou sur un canapé de fortune.

On y fait la connaissance d’un couple de français et d’un couple d’américain. Ils partagent avec nous ce foyer chaleureux et s’apprêtent, comme nous, à attaquer le trek. Avant ce grand départ, on se charge vite de trouver un billet afin de quitter Puerto Williams après le trek. Les solutions sont peu nombreuses et vites bookées. Rien d’étonnant donc qu’il n’y est plus de place sur le bateau pour Punta Arenas (ville Chilienne plus au nord) et c’est, donc, en achetant les derniers billets d’avion de la semaine que nous nous y rendrons. Oui pas d’autostop cette fois car ça nous obligerait à remonter jusqu’à Rio Gallegos d’où on est déjà venu alors que la traversée en bateau ou en avion est bien plus rapide et économique.


Autre démarche, celle de renseigner nos noms aux Cabineros (police municipale) avant notre départ sur la randonnée. Il faut dire que ce trek est réputé technique voir dangereux.

Ce soir- là, Cecilia nous prépare un vin chaud. Il faut dire qu’avec les quelques flocons qui tombent dehors et le froid glacial, ça s’y prête bien. Sur la place principale, on continue les festivités de Noël : sapin, crèche, musiques de Noël, chocolat chaud gratuit. Tout le village s’est donné rendez-vous dans la bonne humeur et le froid !

Avant de se coucher, c’est les derniers préparatifs pour le trek : on range le sac, planifie notre circuit et décidons de faire départ commun et, peut être plus, avec le couple de français Solène et Romaric et d’américain Victoria et Zac.

On est serré à l’arrière du 4x4 de Cécilia qui nous dépose gentiment au départ du trek nous évitant 3 km de route.

Quelques mots caractérisent le trek de Los Dientes. Nous allons vous les définir, vous permettant de suivre et « subir » nos pas durant ces 4 jours.


Technique : vigilance à chacun de nos pas et « chaque jour suffit à sa peine » sont des règles à ne pas oublier. Mardi, de longues traversées à flanc sur des plaques de neige demandent à nos pieds de ne pas glisser pour éviter de finir 200 m plus bas. Mercredi, il faut lever les pieds pour éviter de les coincer entre les pierres de différentes tailles. Jeudi, il faut sauter au-dessus des plaques de boues.

Vendredi, il faut alterner pointes de pieds dans la montée boueuse et coups de talons dans la descente de pierre avant de travailler la proprioception dans un long parcours (dé)boisé. De manière générale, on peut vite laisser quelques orteils ou une cheville le long du chemin, voir bien plus si on oubli de coordonner le regard aux mouvements. On comprend donc l’importance de se déclarer aux Cabineros avant le départ et aussi de les informer de notre retour !


Heure : avancer à 1km/h ! Je croyais que c’était réservé aux personnes en déambulateur ou aux tortues, et bien, il existe une troisième espèce qui peut faire cela : les randonneurs du trek Los Dientes. Non mais c’est sérieusement décourageant quand tu vois une balise inscrite 8,3km et que, 1 h plus tard, il est inscrit sur une autre balise 9 km… Là, on est même en dessous du km/h. Il faut dire que, sur ce trek, tout est fait pour vous ralentir. On se croirait à l’heure de pointe sur le périphérique parisien. Mais ici, pas de surpopulation juste un chemin peu marqué et technique comme on vient de le voir. Mais si parfois on frôle l’excès de vitesse à 2km/h, il nous faut, quand même, 4 jours pour effectuer les, seulement, 32 km de cette boucle. Et encore, on avance un peu plus vite que la moyenne car on fait le trek en 4 jours au lieu de 5. Faut dire que lorsque l’on voit, sur la dernière balise, s’afficher les 3 dernières km et qu’il n’est que 13 h, on se lance dans une dernière descente, qui prend quand même 3 h ! Quand on y pense… Vraiment bizarre de voir après 2 jours de rando qu’on a fait 15 km et qu’il nous faut encore 2 jours pour effectuer les 15 autres.

En moyenne, on marche 6 à 7 h par jour pour 7 km. A cette moyenne, Usain Bolt ferait le 100 m en 6 min au lieu de ses 9 sec 58. Faudrait quand même contrôler ses urines… Ou que nous prenions quelques vitamines.


Météo : inutile de regarder les prévisions en amont, le mieux est de s’attendre à tout et à tout moment ! Ici, les 4 saisons ont lieu en une journée. Ainsi, mardi, on commence sous une neige hivernale et on se fait souffler par le vent automnal avant de transpirer sous un soleil estival sur un névé printanier.

Alors qu’on a profité d’une douceur printanière le mardi soir, mercredi matin, l’automne et l’hiver se donnent rendez-vous pour une matinée glaciale avant une fin d’après-midi plus chaude, annonciatrice d’une averse orageuse commencée par la grêle et terminée par un coup de tonnerre. Autant dire qu’on met et enlève autant de fois le bonnet que la veste. Jeudi, il fait si beau (et presque chaud) qu’on préfère faire une petite étape (soit 3 h de marche) pour se prélasser au soleil ! Vendredi, le ciel est devenu gris et ça sent bon la pluie. Le passage au col le plus haut du trek (850 m) est un désert mais le vent froid nous rappelle que ce n’est pas un désert de sable. La descente finale s’accompagne de quelques gouttes de pluies et de sueurs liées à la forte humidité ambiante de la forêt. Si les 4 saisons ont tempéré nos 4 journées, on n’espérait pas tant de soleil même dans ce trek le plus au sud du monde !

Boue : la variable la plus constante s’est accrochée à nos chaussures et à nos mollets. Elle nous a même parfois empêchée de progresser. La boue aurait même ralenti ce rapide Usain Bolt ! On y glisse en la contournant ou on s’y enfonce en la traversant. A chacun sa tactique !

Dans tous les cas, les chaussures n’en ressortent pas indemnes. Attention car chaque gramme de boue qui sèche alourdie la chaussure et ralentie notre pas. Alors vite, on cherche un ruisseau pour que Chaussure se libère et accélère.


Orientation : ouf un cairn ! Là, une trace de pas dans la neige ! Et, enfin, un coup de peinture sur un rocher ! Sur ce trek, on a l’œil aiguisé, prêt à repérer n’importe quels signes nous montrant le chemin alors qu’il est souvent difficile de parler de chemin. Ce dernier s’immerge sous les eaux d’un ruisseau trop plein, se camoufle dans un pierrier géant, se fond sous la neige ou joue à cache-cache derrière les arbres debout ou couchés.

Certains lisent l’avenir dans le marc de café, moi, je lis le chemin dans les mares de boues où se figent les empreintes de pas ! Boussole, carte et GPS assurent les moments délicats et rassurent. On s’est égaré quelques minutes lors des derniers kilomètres mais on ne peut même pas dire qu’on s’est perdu… et pourtant il y avait de quoi !


Tente : elle est légère et petite, deux avantages au vu du poids du sac et des espaces pour camper. Sur la carte, il y a des zones définies pour le camping mais sur place on est bien loin du « camping ». En fait, on peut poser la tente quasi partout, du moment où l’on trouve une zone plate, sèche et abritée du vent… Un triptyque inexistant ici !

Alors, sur ces 3 nuits, on a un soir au sec mais venté, un second mouillé mais plat et un dernier, sec et abrité du vent. Notre tente est, pour sûr, loin d’être aussi spacieuse qu’un marabou, surtout quand il faut tout mettre à l’intérieur à cause du vent ou de la pluie. Alors on s’organise, on se couche et on se lève tour à tour. On fait le pipi pour ne plus à avoir à sortir de notre espace confiné et surtout on pète une fois dans nos duvets respectifs !


Mental : avec tout ça, et bien, il faut être fort dans ses jambes et dans sa tête. Une montée, c’est difficile mais encore plus dans la boue ; la pause midi sous un vent glacial ne remet pas d’aplomb ; monter la tente sous la pluie c’est la goutte de trop. On se plaint mais ça ne change rien. Il faut alors prendre sur soi et avancer pas après pas. Ce qui a peut-être était difficile pour le couple de français qui a fait demi-tour après la première journée, nous laissant finir ces 4 jours à 4.

Castors : animaux invisibles et, pourtant, ils détruisent et construisent sans arrêt. Comme à Ushuaia, ils grignotent arbres après arbres pour créer des barrages retenant les lacs où ils vivent. Ainsi, les arbres se meurent peu à peu pendant que les zones aquatiques s’agrandissent.

Quand les barrages cèdent, on découvre des lacs asséchés où gisent des dizaines d’arbres. Un soir, on voit le bout du nez d’un des castors, nageant dans le lac bordant notre camping. Dans le ciel, c’est les condors qu’on observe tournoyés, nos premiers. Ils sont splendides.


Paysages : Los Dientes sont magnifiques. Ces pics acérés dont on fait le tour ressemblent effectivement à des dents, mais qui demanderaient un peu d’entretien pour être aligner. Au cours du trek, on se régale, également, des multiples lacs qui apportent leur touche de bleu dans cet univers très minéral où s’invite parfois une végétation verdoyante constituée essentiellement de feuillus.

Le premier jour, on peut se ravir de la neige tombée la veille, qui transforme le paysage en une véritable aquarelle. La plus belle surprise est d’apercevoir, lors du second jour, au passage d’un col les îles du Cap Horn qui s’alignent en toile de fond sur un axe ouest-est… Moment mémorable ! Enfin, la descente finale, certes difficile, offre une forêt dense et quasi tropicale où les arbres autant que les racines s’entrelacent donnant un spectacle féerique.

Vendredi soir, nous voilà de retour chez Cécilia, fiers d’avoir réalisé le trek le plus austral du monde ! A Puerto Williams, on retrouve Romaric et Solène et on fait la rencontre d’autres français (toujours en nombres) qui s’apprêtent à commencer le trek ou qui en reviennent. Tous dorment soit dans la guesthouse soit dans l’abri de Cécilia qui accapare tous les touristes débarquant ici. Connue et reconnue ici, nul doute qu’elle finira un jour maire de Puerto. Samedi, on passe notre journée dans l’unique café/internet de la ville, on se repose et on mange autre chose que les noodles, soupes, tranches de fromages que constituaient l’alimentation de notre trek.

Dimanche matin, Cécilia nous amène à l’aéroport local : un minuscule aéroport d’où nous nous envolons avec Zac et Victoria avec qui on continue l’aventure. L’avion n’est pas un A340, seulement 15 places à l’intérieur. On quitte alors l’île de Navarino, à bord de ce petit coucou, pour un vol d’une heure pendant lequel on survol Ushuaia et des vallées glaciaires avant d’atterrir à Punta Arenas plus au nord. Fini donc la Terre de Feu après deux belles semaines nature !

Punta Arenas est une des grandes villes du sud du Chili dans laquelle on n’a pas envie de s’attarder. On y reste quand même 2 nuits, ayant trouvé un petit cottage que nous partageons avec les américains. 2 jours pour se reposer, faire notre propre cuisine, manger des légumes et planifier la suite de notre chemin.

Mardi, il est temps de relever les pouces pour rejoindre une autre merveille naturelle : le Parc de Torres del Paine. Là-bas, à défaut de faire le célèbre trek du W ou du O, quelques randonnées à la journée nous attendent. Ces deux treks sont devenus une telle attraction (un Disney nature) qu’ils deviennent impossible à réaliser si on n’a pas réservé les campings au moins 1 mois à l’avance. Les démarches sont surement plus épuisantes que le trek en lui-même. Alors, on va poser notre tente et admirer le spectacle de ces massifs granitiques !


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